Être femme mixte est très isolant, même au travail

Nombreuses sont celles qui connaissent les difficultés d’être une femme dans divers endroits : au travail, dans les clubs, dans la rue – on est jugées, scrutées, mises dans des situations inconfortables. Ce que certaines femmes ne connaissent pas, par contre, c’est comment ces difficultés sont amplifiées quand la femme en question est aussi noire, ou même pire selon moi, une femme mixte. [1]

J’ai été élevée par ma mère. Elle avait un peu d’aide de ma marraine et de mon parrain, mais pour la plupart, on était une maison de femmes. Ma mère m’a toujours appris d’être fière d’être une fille. Elle est une Acadienne avec une voix puissante qui ne craint pas de discuter de choses scandaleuses ou difficiles et de jurer! Elle est mon héroïne. Avec elle comme influence, je n’étais pas timide. À l’école secondaire, j’ai été nommée étudiante avec la plus forte voix. Or, les femmes savent bien que parler fort est mal vu dans des environnements professionnels. On dit aux femmes de se taire au lieu de partager leurs opinions, de demander un salaire équitable ou de s’exprimer. Pour moi, cela a toujours été difficile. Ça ne m’est jamais arrivé au travail, heureusement, mais je sais que des hommes avec lesquels je suis sortie pensaient que j’avais trop à dire, que ma voix était trop forte, que j’avais trop d’opinions. Un ex a même essayé de me faire taire physiquement quand j’ai dit qu’il y avait toujours un écart salarial entre les hommes et les femmes – mais ça, c’est une histoire pour un autre blogue!

Toutes ces instances où nous avons peur de parler ou de s’exprimer parce que nous sommes inquiètes, comme femme, de vivre des discriminations si nous prenons de la place, sont même plus grandes lorsqu’on est une femme noire. Les stéréotypes sur les femmes noires sont qu’elles sont fortes, bruyantes, méchantes, dominantes. En tant que femme noire dans des situations professionnelles, je ne vis pas juste la peur que mon employeur ne va pas me donner les mêmes chances qu’aux autres si je m’exprime, mais aussi la peur que les femmes blanches ne vont pas m’aimer pour les mêmes raisons, que je ne vais pas être prise au sérieux, que peu importe ce que je dis, je serai simplement la femme « noire et fâchée ». Les femmes noires ont non seulement peur des hommes qui ont le pouvoir, mais aussi des femmes qui les voient comme de la compétition. Il y a aussi cette attente que les personnes noires vont parler d’une certaine façon, ce qui fait qu’elles doivent adopter une coda blanche pour avoir l’air plus professionnelles.

Si vous pensez que la situation que je viens de décrire n’est pas agréable, je dirais que c’est même pire d’être une personne mixte dans ces situations. Comme personne mixte, élevée par une femme blanche, je suis souvent associée par d’autres personnes avec la culture blanche. Si vous pensez dans votre tête à un stéréotype d’une personne noire, cela n’est pas moi. Je ne parle pas avec une coda noire, je porte des tresses et des extensions depuis seulement deux ans, bref, je suis une personne qui a essayé toute sa vie de s’assimiler à la culture blanche. Mais, j’ai beau essayer de m’assimiler, il ne reste que ma peau contient de la mélanine. Ainsi, dans des situations professionnelles, je suis très consciente je peux être vue à la fois comme amie et comme ennemie. C’est très facile d’être amie avec quelqu’un qui ne pose pas de problème, mais dès qu’il y en a un, on me case comme la femme mixte qui a été embauchée pour faire une tâche, et non pas comme une humaine avec des compétences.

Mais encore, pourquoi être mixte est pire qu’être Noir·e? Il existe un phénomène appelé le « shadeism » où les personnes noires, qui pensent que les personnes mixtes ont eu plus de chances, vont s’allier en les excluant. Les Blancs vont toujours se regrouper entre eux, ce qui laisse les personnes mixtes toutes seules. C’est pour cela que grandir à Moncton était très solitaire. Il y avait seulement deux autres personnes parmi des milliers d’autres étudiantes qui connaissaient la solitude d’être mixte; d’être une personne qui peut être acceptée par les Noir·es et les Blanc·hes, mais qui n’est ni l’un ni l’autre, et à qui on va constamment le rappeler.

Il s’agit d’un trauma spécifique que les femmes vivent en voulant avoir des espaces équitables au travail. Ce trauma est amplifié pour les femmes noires, et devient très isolant pour les femmes mixtes. Il y a un plus petit sentiment de communauté lorsqu’on essaie de trouver des espaces sécuritaires pour s’exprimer, mais peu à peu, des conversations et des blogues comme ceux-ci donnent de l’espace pour que les femmes noires et mixtes fassent entendre leur voix.


 [1] Mixte : quelqu'un·e qui s’identifie comme personne de plus qu’une race.

  • Femme bisexuelle, bi-raciale / métisse de 28 ans.
  • Agente de communication et journaliste.
  • Co-animatrice du podcast Blacklantic. Rédactrice pour le blogue BlackLantic, ByBlacks et pour son blogue personnel.
  • Impliquée pour la communauté de Moncton.
  • Passionnée par : le féminisme, l’égalité et l’équité pour toutes les races, la communauté LGBTQ+ et les enjeux qui concernent les personnes à faibles revenus.
  • Elle a à cœur de faire entendre sa voix pour lutter contre les agressions sexuelles, les violences conjugales et mettre fin à la stigmatisation sur les addictions.
Abonnez-vous à notre infolettre !
Tenez-vous au courant de nos dossiers et ne manquez pas nos actualités féministes.

Devenez membre !
Ajoutez votre voix à la nôtre. Devenir membre, c’est poser une action concrète pour faire avancer l’égalité des genres au Nouveau-Brunswick!

Devenir membre